Pêche et ostréiculture de l’huître plate
Bruno & Sébastien Le Mouroux
Naisseurs et éleveurs en baie de Quiberon.
Pointe de Locmiquel, Baden.
Golfe du Morbihan.
« LA PLATE, C’EST COMME UNE RELIGION. T’Y CROIS OU PAS. »
La famille Le Mouroux entre dans la profession en 1940. Joseph et Suzanne, les grandsparents de Sébastien, l’actuel propriétaire, acquièrent alors le chantier de Locmiquel. A l’époque, l’huître plate est la seule production en place. Et pour cause : le captage du naissain se fait à proximité, en rivière d’Auray. « On est ensuite allé le chercher en rivière de Crac’h, puis au large de Carnac, en baie de Quiberon. Au fil des ans, les bancs naturels se sont fixés en différents endroits, en fonction des sédiments, des parasites et de la pêche », explique Bruno Le Mouroux, fils des premiers et père du second. « Quand j’avais 18 ans, on allait même capter du naissain en rade de Brest. On élevait ensuite les jeunes huîtres dans le Golfe du Morbihan avant d’envoyer les 18 mois pousser dans des parcs à Paimpol. L’huître plate a toujours beaucoup voyagé. Le changement d’eau lui est profitable », précise le professionnel.
Lui a hérité du chantier en 1977 en pleine crise de l’huître plate décimée alors par le Bonamia.
Il a continué la production, coûte que coûte. « La plate, c’est comme une religion. T’y crois ou pas », lâche-t-il après plus de 40 ans de pratique.
A l’époque, Bruno vendait sa production aux Hollandais et aux Britanniques qui achetaient les huîtres plates au stade du 1/2 élevage (18-24 mois) pour continuer à les élever dans les eaux du Nord. « Un cargo venait régulièrement au port de Locmariaquer charger nos containers. »
À la tête du chantier familial depuis 2014, Sébastien continue à produire l’huître plate « parce que c’est une espèce naturelle et locale, celle qui correspond le mieux à ma vision du métier, à savoir maitriser chaque étape de la production ». Et même si elle ne représente que « le petit plus » de son chantier, Sébastien n’arrêtera pas. « Dans le contexte difficile que traverse la profession, avec ces crises et ces contaminations, l’huître plate survivra et nous sauvera. »

Jean-François Taugé
Naisseurs et éleveurs d’huîtres plates en baie de Quiberon.
Ets Cadoret, Point Er Vil, Locmariaquer.
Rivière de Saint-Philibert.
« L’HUÎTRE PLATE ME RAPPELLE DES BALADES AVEC MON GRAND-PÈRE. »
Une destinée. Il n’a pas grandi au bord du chantier familial mais l’a côtoyé assez dans son enfance, et surtout avec des personnes passionnées, pour que le virus lui soit transmis. Petit-fils de François Cadoret, ostréiculteur emblématique en Bretagne, Jean-François Taugé a repris le chantier familial il y a huit ans.
À 40 ans, celui qui dirige aujourd’hui les Établissements Cadoret défend à son tour la sauvegarde de l’huître plate qu’il continue de produire.
« Malgré toutes les contraintes inhérentes à son élevage, ça reste un animal que j’ai plaisir à travailler. D’abord pour son aspect gustatif : plus long en bouche, plus doux, plus fin. Ensuite, au regard de mes attaches familiales, l’huître plate me rappelle des balades avec mon grand-père sur les parcs de la baie de Quiberon, des repas de famille avec toujours ce coquillage présent sur la table.
Enfin, pour son implantation territoriale. Depuis toujours l’huître plate est présente en baie de Quiberon : les Romains déjà en prélevaient pour la déguster, Napoléon a développé une production pour sa femme Eugénie qui en raffolait.
Nous, les acteurs de la filière, que ce soit les ostréiculteurs, l’Ifremer, Hélène Cochet et le suivi qu’elle mène, le CRC et ses missions, les syndicats et leurs actions… Nous pouvons être fiers d’être toujours capable de produire ce vieil animal qu’est l’huître plate et de travailler à la préservation d’une espèce naturelle et endémique. Ce n’est pas rien. »

Ludovic et Mickaël Tanguy
Naisseurs et éleveurs d’huîtres plates en baie de Quiberon.
Les Huîtres de Kermancy, La Trinité sur Mer.
Rivière de Crac’h.
« J’AI MALGRÉ TOUT CONTINUÉ À FAIRE DU CAPTAGE, COÛTE QUE COÛTE. »
Ludovic Tanguy a hérité de la concession familiale en 1974. Avec passion, il est devenu ostréiculteur en élevant l’huître plate, « l’huître d’ici ». En 1979, le parasite Bonamia a décimé les bancs. « J’ai malgré tout continué coûte que coûte à faire du captage de naissains. Je ne voulais pas perdre l’espèce emblématique de la baie de Quiberon. Quand je voyais un spécimen, même un seul, j’étais content. »
Et puis un jour, les naissains ont réapparu. « Il a fallu attendre presque 10 ans pour retrouver de la régularité. » Ludovic n’a alors cessé d’innover pour densifier le captage.
En 2015, président du Syndicat des ostréiculteurs de la baie de Quiberon (SOBAIE), il a proposé à chaque professionnel de donner 1% de sa récolte de naissains pour repeupler les bancs naturels de la baie de Quiberon. Opération suivie et réussie.
Aujourd’hui, c’est Mickaël, son fils, qui est aux commandes du chantier familial. De son père, il a hérité de la passion pour le métier et pour l’huître plate en particulier. « Je suis heureux qu’il continue ce que j’ai commencé. Je suis fier
🎬️ Regarder la vidéo de chaulage et pose de collecteurs par Ludovic et Mickaël Tanguy

Renan et Rémi Henry
Naisseurs d’huîtres plates en baie de Quiberon et éleveurs en baie du Mont Saint-Michel.
Huîtres Henry, Le Luffang.
Rivière de Crac’h.
« LES COMMERCANTS D’AURAY TRAVAILLAIENT PLUS LES ANNÉES OÙ IL Y AVAIT DU NAISSAIN. »
Sur les murs intérieurs du chantier Huîtres Henry à Crac’h, des photos retracent l’histoire de la famille. Sur l’une d’entre elles, le grand-père paternel de Renan Henry, l’actuel hôte des lieux, pose devant un tas de tuiles chaulées. Sur une autre, ses grands-parents maternels décollent le naissain des tuiles. Sur une troisième, son père gratte l’estran une fourche à la main.
À travers ces tableaux en noir et blanc, c’est aussi l’histoire de l’ostréiculture en rivière de Crac’h qui est racontée. « Dans les années 1950 à 70, avant les épizooties, les commerçants d’Auray demandaient aux ostréiculteurs s’ils avaient collecté beaucoup de naissains. C’est dire l’importance de l’activité ostréicole à l’époque. Elle était considérée comme un baromètre de l’économie locale. S’il y avait du naissain, cela annonçait que les ostréiculteurs allaient embaucher sur les chantiers des centaines de personnes, et que le pouvoir d’achat allait augmenter. Les commerçants locaux travaillaient plus les années où il y avait du naissain », raconte Renan Henry qui continue d’exercer l’activité ostréicole sur la rivière de Crac’h, et de produire des huîtres plates entre la baie de Quiberon et celle du Mont Saint-Michel où il a étendu son entreprise.
« L’huître plate fait partie du patrimoine maritime français et breton par excellence. On a encore beaucoup à faire en termes de communication : la baie de Quiberon, outre le fait qu’elle fasse partie des plus belles baies du monde, est aussi l’unique bassin en Europe voire au monde de reproduction des huîtres plates. »
Aujourd’hui, Renan s’apprête à intégrer son fils dans l’entreprise. Rémi incarnera alors la sixième génération du nom à produire l’huître de la baie de Quiberon.

Stéphane et Alexandre Cailloce
Naisseurs et éleveurs d’huîtres plates en rivière de Saint-Philibert et en baie de Quiberon.
Kerinis, Locmariaquer.
Rivière de Saint-Philibert.
« C’EST L’HUÎTRE DE NOTRE TERROIR.
C’EST COMME SI À BORDEAUX ILS NE FAISAIENT PAS DE VIN ! »
Sur les murs intérieurs du chantier Huîtres Henry à Crac’h, des photos retracent l’histoire de la famille. Sur l’une d’entre elles, le grand-père paternel de Renan Henry, l’actuel hôte des lieux, pose devant un tas de tuiles chaulées. Sur une autre, ses grands-parents maternels décollent le naissain des tuiles. Sur une troisième, son père gratte l’estran une fourche à la main.
À travers ces tableaux en noir et blanc, c’est aussi l’histoire de l’ostréiculture en rivière de Crac’h qui est racontée. « Dans les années 1950 à 70, avant les épizooties, les commerçants d’Auray demandaient aux ostréiculteurs s’ils avaient collecté beaucoup de naissains. C’est dire l’importance de l’activité ostréicole à l’époque. Elle était considérée comme un baromètre de l’économie locale. S’il y avait du naissain, cela annonçait que les ostréiculteurs allaient embaucher sur les chantiers des centaines de personnes, et que le pouvoir d’achat allait augmenter. Les commerçants locaux travaillaient plus les années où il y avait du naissain », raconte Renan Henry qui continue d’exercer l’activité ostréicole sur la rivière de Crac’h, et de produire des huîtres plates entre la baie de Quiberon et celle du Mont Saint-Michel où il a étendu son entreprise.
« L’huître plate fait partie du patrimoine maritime français et breton par excellence. On a encore beaucoup à faire en termes de communication : la baie de Quiberon, outre le fait qu’elle fasse partie des plus belles baies du monde, est aussi l’unique bassin en Europe voire au monde de reproduction des huîtres plates. »
Aujourd’hui, Renan s’apprête à intégrer son fils dans l’entreprise. Rémi incarnera alors la sixième génération du nom à produire l’huître de la baie de Quiberon.

Yvonnick Jegat
Naisseur d’huîtres plates en baie de Quiberon et éleveur dans le Golfe du Morbihan.
Maison Jegat, Arradon.
Golfe du Morbihan.
« JUSQUE DANS LES ANNÉES 80, ON NE FAISAIT QUE DE L’HUÎTRE PLATE DANS LE GOLFE. »
Yvonnick Jegat est revenu travailler avec son père il y a 29 ans. Depuis, cet ostréiculteur installé à la pointe d’Arradon perpétue la production d’huîtres plates avec la volonté prononcée de la réintroduire dans le Golfe du Morbihan, là où son père et son grand-père captaient les naissains quand l’espèce y était prolifique. « Jusque dans les années 80, on ne faisait que de l’huître plate dans le Golfe, qui était alors un de ses berceaux. La creuse était interdite », souligne Yvonnick.
Et puis, les épizooties causées par les parasites Marteilia puis Bonamia ont décimé les cheptels et l’huître creuse s’est imposée.
Yvonnick Jegat fait partie de ces irréductibles qui travaillent toujours l’huître plate et tentent continuellement des expérimentations pour sauvegarder et restaurer cette espèce originelle. « Je capte le naissain en baie de Quiberon, avec Jean-François Tauge et Benoit Madec. Je laisse les jeunes huîtres y grossir avant de les ramener sur mon chantier, à Arradon. Je resème ensuite celles âgées de 18 mois sur mes parcs, au sol, dans le Golfe du Morbihan, et les laisse grossir à nouveau deux ans.
C’est difficile, à cause de la maladie liée au Marteilia qui est présente sur l’estran, mais je continue avec l’espoir que l’espèce repeuple un jour le Golfe. C’est ma part du colibri. »

Alan Jacob
Naisseur et éleveur d’huîtres plates en baie de Quiberon.
Pointe de Locmiquel, Baden.
Golfe du Morbihan.
« ÇA A DU SENS DE CONTINUER POUR CONTRIBUER À LA DIVERSIFICATION DES PRODUCTIONS. »
Quand il reprend le chantier familial en 2009, l’huître plate n’y était plus élevée depuis les années 70 et les épizooties liées aux parasites Marteilia et Bonamia. « En 2010, mon père m’a proposé de réactiver nos parcs en baie de Quiberon. On a repris la production petit à petit, sans aucune référence », se souvient Alan Jacob, quatrième génération du nom à la tête de l’entreprise ostréicole installée à la pointe de Locmiquel, avec vue sur les îles de Radenec, Gavrinis et Berder.
Même si la production est marginale, Alan la poursuit. « On a tout sur place : le site et les parcs. Ça a du sens de continuer pour contribuer à la diversification des productions », argumente l’ostréiculteur.
Distant de la baie de Quiberon à plus d’une heure en ponton (son bateau professionnel), Alan planifie les étapes de production. Fin juin, début juillet, il guette les fenêtres météo pour aller poser les collecteurs de naissains au sud des plages de Carnac. Son navire, Tagalad, peut transporter une vingtaine de cages garnies de coupelles qu’il faut ensuite descendre avec la grue embarquée.
Quand les naissains ont 9 mois, soit en février-mars, il revient relever les cages et récupérer les jeunes huîtres pour les ramener à son chantier. Alan les stocke alors en poche dans l’eau du Golfe pendant un mois. « Cette technique permet de rincer les naissains du pissou* et d’obtenir un plus beau semis. »
Quand le printemps arrive, retour en baie de Quiberon pour semer les huîtres plates sur le sol des parcs en eau profonde dédiés à l’élevage. « Souvent en août, je plonge pour vérifier l’état des semis, contrôler la densité et constater l’étendue de la brisure** », explique Alan. Il faut attendre trois ans avant de récolter les huîtres commercialisables.
L’huître plate est un organisme fragile, délicat à travailler, qui nécessite des gestes précis et posés. « On en prend soin et elle nous le rend bien : c’est beau une huître plate, et c’est aussi plus doux en goût. »
*Ascidie : animal marin qui se fixe sur les jeunes huîtres notamment
** Brisure : dégât causé par les daurades qui broient les coquilles d’huîtres pour manger le mollusque

Frédéric Massé
Capitaine de l’Orca, bateau du Gomex.
(Groupement d’exploitation ostréicole de l’huître plate en baie de Quiberon).
Baie de Quiberon.
« QUAND ON SÈME LE NAISSAIN, ON VOIT LES DAURADES DEVENIR FOLLES ET ATTAQUER. »
Originaire de Quiberon, Frédéric Massé a quitté la police dans laquelle il s’était engagé en région parisienne pour revenir vivre au pays de son enfance. Sur les traces de son père, il travaille pour le Gomex, un groupement d’ostréiculteurs de la baie de Quiberon. Patron du bateau l’Orca, il est chargé d’entretenir une concession de 130 hectares située devant Saint-Pierre Quiberon. « Elle appartient à sept actionnaires. On y produit exclusivement de l’huître plate. »
Depuis une quinzaine d’années, il doit aussi combattre les prédateurs de l’huître plate et en premier lieu la daurade royale. « Ce poisson s’est habitué à vivre près des côtes et à la présence de l’homme. Quand on sème les naissains ou quand les huîtres sont en laitance, on voit les daurades devenir folles et attaquer.
Mon travail consiste à protéger les parcs de la baie en eau profonde des ostréiculteurs qui le souhaitent, c’est-à-dire à poser des filets qui barrent la route des prédateurs. L’idée, ce n’est pas de pêcher mais d’empêcher. On pose ces filets en mars pour les relever définitivement en octobre avant la récolte des huîtres. Entre temps, on les remonte toutes les semaines pour les laver puis les repositionner.
Ils ne sont pas efficaces à 100%, mais ce qui est certain c’est que sans filet, il n’y aurait plus d’huîtres. »
🎬️ Regarder la vidéo de luttre contre les prédateurs de l’huître plate par Frédéric et son équipe

Christophe Kerisit
Naisseur et éleveur d’huîtres plates en baie de Quiberon.
Etablissement Kerisit, Carnac.
Rivière de Crac’h.
« SI ON NE FAIT RIEN POUR SAUVEGARDER L’HUÎTRE PLATE, ELLE PARTIRA À JAMAIS. »
Installé depuis 1994 sur le chantier familial à Carnac, Christophe Kerisit travaille l’huître plate par passion. « Si on compte le temps passé, ce n’est pas toujours intéressant de faire de la plate, mais c’est l’huître bretonne, celle que l’on faisait sur les côtes françaises depuis le début de l’ostréiculture. Si on ne fait rien pour la sauvegarder, elle partira à jamais. »
Pour ne pas vivre cela, Christophe est engagé au sein du Syndicat Ostréicole de la baie de Quiberon (SOBAIE) et du Comité Régional de la Conchyliculture de Bretagne Sud (CRC). Il est chargé d’entretenir un des bancs naturels de la baie de Quiberon, soit 170 hectares qui sont la propriété du CRC et sur lesquels est menée une action collective de restauration de l’espèce.
« Mon travail consiste à nettoyer un espace pour que chaque ostréiculteur puisse venir y semer 1% de sa récolte de naissains, comme une cotisation pour garantir l’avenir de l’huître plate. Ces sites étant propices à sa reproduction, le Comité et SOBAIE continuent de gérer ces concessions en espérant y reconstituer les gisements de naissains comme ils existaient naturellement par le passé. C’est un stock de géniteurs qui contribuent à la survie de l’espèce. »
🎬️ Regarder la vidéo de l’entretien et restauration du banc naturel par Christophe

Matthieu Le Quellec
Naisseur et éleveur d’huîtres plates en baie de Quiberon.
Quick&Sea, Saint-Philibert.
Rivière de Crac’h.
« ON DEVRAIT LA SERVIR AUX MENUS DES CANTINES. »
Par un bel après-midi d’été, Matthieu Le Quellec accueille Claude, son grand-père âgé de 92 ans, sur le chantier. Entre les deux hommes, le courant est fluide : l’amour de la profession les lie, la passion de l’huître aussi. « Je suis devenu ostréiculteur par filiation, et j’ai préservé la production de l’huître plate par héritage », souligne Matthieu, 36 ans, qui a repris le chantier familial il y a dix ans à la suite de son père Thierry.
En 2015, le syndicat ostréicole de la baie de Quiberon proposait aux éleveurs de plates de concéder 1% de leur récolte de naissains afin d’y restaurer le banc d’huîtres plates. Les Le Quellec contribuent toujours à cet élan collectif. « Ça marche mieux que prévu », souligne le jeune ostréiculteur qui note, depuis quelques années, une hausse de la quantité de naissains captés. « Contrairement au cours des prix de vente de l’huître qui, lui, tire vers le bas », souligne-t-il.
Pour Matthieu, le bât blesse surtout au niveau de la méconnaissance du produit. « L’huître plate n’est connue que des locaux et surtout des plus âgés », constate l’ostréiculteur qui milite pour une meilleure promotion du produit : « On devrait la servir aux menus des cantines locales », plaide-t-il.
Annexée à son unité de production, Matthieu vient de créer une entreprise dédiée à la vente directe. Baptisée « Cultures marines », la société démarche les restaurateurs, les poissonniers et les traiteurs locaux. « Nous sommes également présents au Festival Interceltique de Lorient », précise le jeune homme qui aura à coeur cette année, pour les 50 ans de l’événement, de faire goûter l’huître plate que son grand-père chérissait déjà.

Richard Beaulieu
Naisseur d’huîtres plates en baie de Quiberon et éleveur en baie du Mont Saint-Michel.
Baie de Beaumer, La Blonde-Belon.
Rivière de Crac’h.
« LES HUÎTRES PLATES GRANDISSENT PLUS VITE DANS LA BAIE DU MONT SAINT-MICHEL. »
Lundi 19 juillet, la période du captage des naissains touche à sa fin. Richard Beaulieu et ses équipiers posent leur dernier collecteur de l’année en baie de Quiberon. Comme le veut la tradition, ils l’ornent d’un bouquet de fleurs, telle une offrande à la mer, pour que la récolte soit bonne. Réponse dans neuf mois quand Richard et son équipe viendront relever les collecteurs, puis détroquer les naissains avant de les envoyer, par camion, en baie du Mont Saint-Michel où l’ostréiculteur dispose de parcs d’élevage.
« Les huîtres plates grandissent plus vite en baie du Mont Saint-Michel en raison du marnage* qui y est plus important. Je les repêche au bout de 3 ans, à l’aide d’une drague qu’on traine sur le sol pour récolter notre produit sans l’abimer et faire, en même temps, un bon nettoyage du parc.
Ensuite, les huîtres sont mises en container puis acheminées par camion à mon chantier de Saint-Philibert, pour être triées, calibrées et préparées à la vente. Ces transferts donnent à l’huître un goût unique. Nous avons obtenu l’appellation bio en octobre 2020, ce qui garantit que les huîtres sont élevées exclusivement dans une eau classée A. »
*marnage : différence de niveau d’eau entre la marée haute et la marée basse
🎬️ Regarder la vidéo de récolte des huîtres plates à bord du bateau amphibie de Richard

François et Rodolphe Salardaine
Naisseur d’huîtres plates en baie de Quiberon et éleveur en baie du Mont Saint-Michel.
Belon des Hermelles, Le Vivier-sur-Mer (35).
Baie du Mont Saint-Michel.
« LE BALAYAGE IMPORTANT DE LA MER MARQUE LA
SPÉCIFICITÉ DE NOTRE TERROIR ET LE GOÛT PUISSANT DE NOS HUÎTRES. »
Candidat à l’obtention d’une concession en baie du Mont Saint-Michel, François Salardaine a été sélectionné pour exploiter un parc ostréicole concédé par les Affaires maritimes. « Je faisais déjà des moules et j’avais comme projet de diversifier mon activité vers un produit qui me plaisait. Avec ce nouveau parc, j’ai pu créer un élevage de Belon, c’est comme ça qu’on appelle aussi l’huître plate », souligne François qui a initié cette production en 1992.
Depuis, son fils Rodolphe l’a rejoint à la tête du chantier. Ils ont développé l’élevage d’huîtres plates en achetant des parcs en baie de Quiberon afin d’être autonomes sur l’ensemble de la chaîne de production. Captées en Morbihan, les jeunes huîtres sont ensuite acheminées en Bretagne Nord et semées sur le sol de la baie du Mont Saint- Michel, le terroir de la Belon des Hermelles.
« La baie du Mont Saint-Michel nous permet d’élever les plates plus rapidement, sur deux à trois ans sans problème. Ici la baie est très plate et crée un fort différentiel d’eau entre les marées basses et hautes : on relève plus de 15 mètres de marnage. Ce brassage favorise le renouvellement d’eau et l’apport de nourriture pour les huîtres que la mer va chercher quotidiennement sur l’estran. C’est ce balayage important qui marque la spécificité de notre terroir et le goût puissant de nos huîtres », explique François Salardaine.
Rodolphe, lui, en mange au petit-déjeuner. « Elles sont très iodées. Le goût peut rester plus de cinq minutes en bouche, c’est tonique. Manger une huître le matin, ça revigore ! Y’en a c’est le café, moi c’est les huîtres. »

Olivier Le Drève
Naisseur et éleveur d’huîtres plates en baie de Quiberon.
Le Petit Saint Jean, Crac’h.
Rivière de Crac’h.
« DEPUIS UN AN, JE MISE UN PEU TOUT SUR LA DÉGUSTATION. »
Ce soir d’été, le soleil joue à cache-cache avec les nuages pour finalement s’imposer. Avec un pull sur le dos, il fait bon rester au bord de l’eau. C’est l’heure pour la Maison le Drève d’entamer la troisième activité de la journée : après la vente au détail, la gestion du chantier, vient le temps de la dégustation.
Pour ce faire, le chantier a pris un air de guinguette en présentant une partie restauration. En coulisses, Olivier Le Drève, ostréiculteur, s’affaire à ouvrir des douzaines et des douzaines d’huîtres. « Au mois de juin 2020, après le premier confinement et la baisse abyssale de notre activité, j’ai décidé d’ouvrir une boutique de vente au détail, pour voir… et puis j’ai fait un essai de dégustation : ça a plu. J’ai donc passé la licence « petite restauration » et aménagé le chantier pour installer 50 places assises. Depuis un an, je mise un peu tout là-dessus car tout le monde me dit que c’est un super site : je finis par le croire », rougit quelque peu le maître des lieux.
Grâce à cette diversification, le chef d’entreprise a pu préserver les emplois du chantier et son activité principale : l’ostréiculture.
Olivier est à la tête d’une affaire familiale qu’il a un temps dirigée avec ses parents. Depuis toujours, il vend sur plusieurs marchés du Morbihan. Et c’est justement pour répondre à la demande de ses clients qu’Olivier a développé la production d’huîtres plates : « Les anciennes générations la préfèrent ; c’est celle qu’ils ont toujours connue ici. Moi-même, j’ai passé toute mon enfance sur les chantiers de mon grand-père et de mes oncles qui ne travaillaient que la plate. A l’époque, on captait aussi du naissain en rivière de Crac’h avec des tuiles chaulées », se souvient Olivier.

Charles et Pierre-Charles Beaulieu
Naisseur et éleveur d’huîtres plates en baie de Quiberon.
Famille Beaulieu, La Belon de Cancale, Hirel (35).
Baie du Mont Saint-Michel.
« C’EST UN PATRIMOINE ANCESTRAL DE BRETAGNE QU’IL FAUT SAUVEGARDER ET DÉVELOPPER. »
L’ostréiculture chez les Beaulieu est une affaire de famille. Basée à Hirel, au bord de la baie du Mont Saint-Michel, l’entreprise vient d’être reprise par Pierre-Charles, à la suite de son père Charles qui lui-même avait découvert l’ostréiculture avec son grand-père.
« J’ai une admiration sans borne pour mon grand-père maternel qui m’a tout appris. Je me souviens, enfant, aller chercher les huîtres plates à la fourche, les calibrer à la main et les goûter sur le chantier. Mon grand-père me montrait comment les ouvrir et m’expliquait les caractéristiques de cette huître qui était alors la seule espèce produite en Bretagne. A l’époque, on ne connaissait pas la creuse », raconte Charles Beaulieu.
Aujourd’hui c’est Pierre-Charles, son fils, qui dirige le chantier et développe la filière huîtres plates. Les naissains sont captés en baie de Quiberon puis semés en baie du Mont Saint-Michel pour arriver à maturité, au terme de trois années d’élevage en moyenne. « La famille a repris l’activité au moment où il n’y avait plus de production d’huître plate, faute de captage. C’est un patrimoine ancestral de Bretagne, et celui de notre entreprise, qu’il faut sauvegarder, développer et que je souhaite transmettre à mon tour », souligne Pierre-Charles.
« J’espère en effet que l’histoire va se poursuivre et que mes petits enfants auront la même passion que celle que mon grand-père m’a transmise », conclut son père.

Sonia et Marie Brazo
Naisseur et éleveur d’huîtres plates en baie de Quiberon.
Le Luffang, Crac’h,.
Rivière de Crac’h.
« RIEN DE TELS QUE LES MARCHÉS POUR FAIRE DÉCOUVRIR L’HUÎTRE PLATE. »
C’est vendredi et comme tous les vendredis, la famille Brazo est affairée à préparer les marchés que chacun des membres occupera le lendemain. Depuis plusieurs années, Hervé Brazo privilégie la vente directe pour ses huîtres et autres coquillages. Depuis plusieurs années également, il embarque ses filles, Sonia et Marie, qui ont commencé adolescentes à tenir le stand.
Aujourd’hui, les deux femmes sont devenues ses associées à la tête du chantier familial, qu’elles gèrent également avec leur oncle Serge. Toute la semaine, le quatuor travaille en prévision des points de vente du week-end. « Rien de tels que les marchés pour vendre notre production et faire découvrir l’huître plate », scandent en choeur les deux soeurs. A 35 et 30 ans, elles n’ont raté que peu d’occasions d’être en contact direct avec leur clientèle. « Quand j’étais étudiante à Nantes, je rentrais tous les week-ends pour faire le marché : j’adore le contact avec les gens, j’adore aussi cuisiner et donner des conseils de préparation et de dégustation », raconte Sonia, l’aînée. Idem pour Marie, la cadette, qui n’hésite jamais à ouvrir quelques huîtres et les faire goûter aux passants.
Sur leurs étals, les soeurs Brazo disposent toujours les huîtres plates qu’elles produisent en baie de Quiberon. « Les gens sont souvent étonnés quand après nous avoir commandé des huîtres, on leur demande s’ils veulent des creuses ou des plates ! Je leur fais alors goûter une plate en premier pour satisfaire leur curiosité », raconte Sonia. « C’est notre rôle également de leur expliquer que l’huitre plate est un produit local lié à la Bretagne. Les touristes apprécient ce genre d’histoire et d’information. »
Souriantes et dynamiques sur les marchés, Sonia et Marie dégagent la même énergie pour gérer le chantier. « C’est un métier physique certes, mais que l’on fait avec passion. Nous sommes ostréicultrices par filiation et fières de perpétuer la tradition. » Créé par le grand-père d’Hervé, le chantier a toujours été repris par un membre de la famille. « Notre volonté est de garder notre production pour les marchés, c’est ce qui nous anime en premier. »
À quelques mètres de là, dans le hangar où sont stockées les caisses d’huîtres qui seront embarquées dans le camion, Leïla tape sur les coquilles pour voir si elles sont bien pleines. A 7 ans, la fille de Sonia a déjà le geste professionnel et l’envie exprimée de suivre sa mère sur les marchés ! La relève semble assurée.
